OUGANDA Le projet de loi anti-gay non signé mais toujours efficace Faith Lokens KAMPALA, 26 mars (IPS) - Le président ougandais, Yoweri Museveni, aurait
refusé de signer un projet de loi controversé anti-
gay qui signifierait la prison à vie pour les
personnes condamnées pour des actes homosexuels.
Mais beaucoup de personnes lesbiennes, gaies,
bisexuelles, transsexuelles et intersexuées
(LGBTI) dans ce pays d'Afrique de l'est, et les
ONG tentant de les aider, disent que beaucoup sont
victimes de discrimination depuis des années et
que la situation devient pire.
"Les gens pensent qu’il [le projet de loi] est
déjà une loi", a déclaré à IPS, Judith, qui a
demandé à ne pas être identifiée pour sa sécurité.
"Que le projet de loi soit adopté ou non, nous
souffrons".
Judith, 25 ans, est une ancienne travailleuse de
sexe séropositive, un homme coincé dans le corps
d'une femme, qui s'est tourné vers le travail du
sexe pour sa survie financière après que ses
parents ont soupçonné qu’elle était gay quand elle
avait 16 ans et l’ont chassée de leur maison de
village.
Pour elle, le rejet a déjà commencé. Judith
affirme avoir été victime de discrimination au
début de janvier au centre de santé qu’elle
fréquente régulièrement à Kampala.
Judith, qui a été dépistée séropositive en 2008 et
a un système immunitaire dangereusement faible et
la gonorrhée, indique que le médecin lui a dit que
d'autres malades se plaignaient parce que le
centre de santé traitait un "gay".
"'Ne revenez pas'", c'est qu'elle m'a dit. 'Les
malades se plaignent que nous travaillons sur les
homosexuels. Il n'est pas permis ici dans notre
culture. Je suis un chrétien'", s’est rappelée
Judith.
"Je me suis sentie très mal et ai failli pleurer,
mais je suis habituée à cela [les insultes].
J'étais sans voix, je suis partie immédiatement",
a-t-elle souligné à IPS.
Judith affirme que la plupart des Ougandais ne
comprennent pas l'idée d'être transgenre.
"Ici, les gens ne savent rien sur les questions
[sexuelles] transgenres. Ils connaissent juste les
gays et les lesbiennes", explique-t-elle.
La façon dont Judith a été traitée "n’est pas
surprenante", a déclaré à IPS, Enrique Restoy, un
conseiller principal sur les droits humains à
l’Alliance internationale contre le HIV/AIDS.
"Nous recevons des informations faisant état de ce
que les services de traitement du VIH sont
interdits aux hommes qui ont des rapports sexuels
avec des hommes et aux personnes transgenres en
Ouganda depuis des années", a souligné Restoy.
Il a dit que l'adoption du projet de loi draconien
par le parlement le 20 décembre 2013 a envoyé un
"signal dévastateur à chaque citoyen que c'est
bien de discriminer et de stigmatiser les
personnes en fonction de leur orientation sexuelle
et identité de genre".
"Le projet de loi érode les droits humains des
personnes LGBTI et les éloigne des services
essentiels de traitement du VIH depuis qu'il a été
déposé au parlement en 2009", a-t-il ajouté.
A son avis, cette loi viole les conventions sur
les droits humains et les engagements politiques
sur la lutte contre le VIH signés par l'Ouganda.
Dans la Déclaration politique 2011 des Nations
Unies sur le VIH/SIDA, tous les Etats membres se
sont engagés à adopter des lois pour protéger les
populations vulnérables au VIH.
Cependant, au cours des dernières années,
l'Ouganda, le Nigeria et le Malawi ont proposé ou
approuvé des lois homophobes.
Dans un communiqué, l'alliance a déclaré que le
projet de loi aurait "un impact désastreux sur la
riposte au VIH". L'ONU, l'Union européenne et les
Etats-Unis l’ont également critiqué.
Prévention du VIH compromise
Le projet de loi de l'Ouganda a demandé la prison
à vie pour toute personne reconnue coupable
"d'homosexualité aggravée", qui englobe des actes
homosexuels avec des enfants ou par toute personne
séropositive.
Selon un rapport, le projet de loi considère comme
un crime "la promotion" de l'homosexualité, ce qui
pourrait inclure le fait d’offrir des conseils sur
le VIH aux homosexuels. Cela pourrait affecter les
groupes locaux, soutenus par l'alliance et
d'autres donateurs, qui fournissent des conseils
sur la prévention et le counselling en matière du
VIH aux personnes homosexuelles.
Les statistiques sur les hommes gais et le VIH
sont difficiles à trouver, mais, selon une enquête
financée par le Plan d'urgence du président
américain pour la lutte contre le SIDA, sur 455
hommes qui ont des rapports sexuels avec des
hommes à Kampala, ils "risquent beaucoup" de
contracter le VIH que la population masculine
adulte en général.
Une étude réalisée en 2009 par la Faculté de la
santé publique de l'Université de Makerere sur les
hommes qui ont des rapports sexuels avec des
hommes à Kampala a révélé que les taux d'infection
à VIH de ceux-ci étaient presque deux fois plus
élevés, 13 pour cent, que la moyenne nationale de
sept pour cent.
Dr Sam Okuonzi, médecin et député, qualifie
l'homosexualité d’une "anomalie", mais affirme que
seuls ceux qui "en font la promotion,
l’encouragent et le glorifient" qui doivent être
punis.
Il est persuadé que le projet de loi n'empêcherait
pas les homosexuels séropositifs d'utiliser les
services de santé.
"Toute disposition prohibitive à cet effet doit
avoir été supprimée ou sera supprimée", a-t-il
déclaré à IPS. "Cela devrait permettre à tous les
malades du VIH/SIDA d’accéder à un traitement
médical sans avoir peur d’être poursuivis".
Okuonzi a observé que les points de vue de ses
électeurs dans le comté de Vura, dans le district
d'Arua, dans le nord de l'Ouganda, sont "plus
extrêmes" que le sien.
Lors d'un récent voyage à Soroti, dans l’est de
l’Ouganda, Judith a constaté que les personnes
LGBTI des zones rurales sont encore confrontées à
plus qu'une bataille quand il s'agit de l'accès
aux services de santé et sont victimes de
discrimination.
"Elles n'ont pas de préservatifs, elles n'ont pas
de lubrifiants, elles sont chassées de leurs
maisons", a-t-elle souligné.
Malgré le fait de se sentir gênante, Judith croit
que le médecin à Kampala n'est pas homophobe: "Il
y a une pression de la part d'autres personnes.
Elle veut garder son emploi. Ce projet de loi nous
a beaucoup affectés". (FIN/2014)
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