BRESIL Des populations vivent l'enfer dans une province minière Mario Osava PIQUIÁ DE BAIXO, Brésil, 12 fév (IPS) - "Mon neveu avait huit ans quand il a mis les pieds
dans du 'munha' [la poussière de charbon de bois]
et a brûlé ses jambes jusqu'aux genoux", a déclaré
Angelita Alves de Oliveira, originaire d'un coin de
l'Amazonie, au Brésil, devenu un danger mortel pour
la population locale.
Le traitement dans des hôpitaux reculés n’a pas
sauvé la vie du garçon, parce que "son sang est
devenu toxique, selon le médecin", a affirmé
Oliveira, 61 ans, qui travaille en tant
qu’enseignante depuis les 30 dernières années. "Ma
sœur n'a jamais été la même après avoir perdu son
plus jeune enfant".
Le mari d’Oliveira a souffert de brûlures
similaires, comme le montrent les cicatrices sur
ses jambes.
Le "munha", ce sont des déchets de charbon
pulvérisé laissés par la production de la fonte
brute, un intermédiaire dans la production de
l'acier. Cela a fait du village de Piquiá de
Baixo, en Amazonie orientale, une étude de cas
tragique de la pollution industrielle.
Piquiá est un village rural de la municipalité
d’Açailandia, dans l'Etat de Maranhão, né des
camps des ouvriers créés en 1958 pour construire
l’autoroute Belém-Brasilia, un grand axe de
développement et d'intégration dans le centre-nord
du Brésil, qui a été responsable de plusieurs
catastrophes environnementales et sociales.
Le chemin de fer qui a été ouvert en 1985 pour
transporter le minerai de fer à partir de
l'immense province minière de Carajás a scellé le
sort d’Açailandia en tant que carrefour de la
logistique et centre de l'industrie de l'acier.
Piquiá de Baixo a été encerclé par cinq usines de
la fonte brute, le chemin de fer et de grands
magasins miniers.
La fabrication du charbon de bois pour alimenter
les fours d'acier a été ajoutée à l’élevage
traditionnel de bétail, et a transformé Açailandia
en un point focal pour la déforestation et la
main-d'œuvre esclave.
Ces malheurs ont reculé face à la persécution de
l'Etat et aux diverses pressions. Mais la
pollution à Piquiá a empiré, selon les témoignages
des gens interviewés par IPS.
Les déchets de charbon pulvérisé constituent
toujours une menace. La sécheresse les rend
inflammables au moindre contact. C'est ce qui a
coûté la vie au neveu d’Oliveira en 1993, lorsque
peu de gens savaient que la poussière noire était
mortelle.
Les gens faisaient bien attention et les accidents
sont devenus moins fréquents, mais ils n'ont pas
été éradiqués. Un enfant de sept ans a été brûlé à
la taille en 1999 et est mort trois semaines plus
tard.
"J'ai vu des vaches incinérées", a déclaré
Florencio de Souza Bezerra, qui était un petit
fermier et est maintenant un membre actif de
l'Association des habitants de la communauté de
Piquiá. Il vit à Piquiá depuis 10 ans avec ses
neuf enfants et deux petits-enfants, dans une
grande maison en bois avec une grande cour.
Des monticules de munha peuvent être vus dans les
rues où passent des camions de l'aciérie, et dans
au moins un des magasins de matériaux non couverts
que IPS a pu visiter librement.
Mais la plainte la plus fréquente de la population
locale, c’est la pollution atmosphérique. "Il y a
un peu plus d'un an, une jeune fille est morte à
cause de la poussière de fer dans les poumons et
du cancer, après 15 jours en soins intensifs", a
déclaré Bezerra.
Sur la place du village, il indique les maisons où
des résidants sont morts de maladies
respiratoires.
Oliveira a déclaré: "un examen effectué il y a un
an a montré des taches noires sur mes poumons, et
le médecin m'a accusée d'être une fumeuse de
longue date, mais je n'ai jamais touché une
cigarette". Elle veut "donner la vie et l'espoir"
à ses petits-enfants, qui vivent "exposés à la
pollution 24 heures sur 24" dans le village
"J'ai vécu un long moment, mais pas mes petits-
enfants", a affirmé Oliveira. Sa maison est à côté
de l'usine Gusa Nordeste, l'une des cinq unités
industrielles qui produisent la fonte brute.
La situation a empiré "il y a deux ans", a-t-elle
indiqué, lorsque l’entreprise a commencé à
produire du ciment. Maintenant, elle répand des
nuages de poussière noire qui couvrent tout en
quelques secondes et, certains matins, rendent sa
maison invisible depuis la route principale qui se
trouve à seulement 30 mètres.
Pour l'entreprise, cela a été synonyme de progrès
puisqu’elle peut utiliser les scories de haut
fourneau comme un intrant pour la production de
ciment, évitant les déchets encombrants et
fournissant au marché local de la construction un
produit qui venait auparavant de très loin.
Gusa Nordeste proclame qu'elle est en train d’être
responsable de l'environnement puisqu’elle utilise
le munha comme carburant, économisant le charbon
granulé, et emploie du gaz provenant de la
production de la fonte brute pour satisfaire tous
ses besoins en énergie électrique.
Mais la vérité, reconnue par le système judicaire,
plusieurs autorités et l'industrie elle-même, est
que la pollution atmosphérique, de l'eau et du sol
a fait qu’il est impossible aux gens de Piquiá de
Baixo de continuer à vivre là où ils sont depuis
plus de quatre décennies.
Une proposition visant à réinstaller les 312
familles vivant à Piquiá de Baixo sur une zone de
38 hectares située à six kilomètres de son
emplacement actuel a été approuvée par le système
judiciaire et le conseil municipal.
En décembre 2014, les autorités judiciaires ont
ordonné l'expropriation de la terre et ont évalué
cela à 450.000 dollars, mais le propriétaire exige
quatre fois ce montant, alors les habitants de
Piquiá attendent toujours.
La communauté a mis au point son propre projet
urbain, y compris des plans pour les maisons,
l’école, la place publique, les boutiques et les
églises, a souligné Antonio Soffientini, un membre
de 'Justice on the Rails', un réseau de dizaines
d'organisations soutenant les personnes touchées
dans la région minière de Carajás.
* Cet article a été publié par les journaux
latino-américains qui font partie du réseau
Tierramérica. (FIN/2014)
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